1888
Le 1er juillet, naissance d’Alberto Magnelli à Florence, Piazza del Duomo. Il est le fils unique d’Emilio Magnelli et de Giuseppa Pratesi, couple de commerçants de la ville.
1907
La rencontre fortuite d’un ami qui, partant peindre sur le motif dans la campagne florentine, l’invite à l’accompagner, lui fournit une planchette pour support, des pinceaux et des tubes de couleur, est l’occasion pour lui d’une expérience déterminante. Magnelli est conquis : son premier tableau, Paysage, peint sur le motif dans les Apennins toscans, décide de sa carrière de peintre.
Il mène alors des recherches personnelles et systématiques sur le dessin et la couleur, en dehors de toute école d’art. Les fresquistes italiens du Trecento et du Quattrocento sont ses seuls maîtres : « Merci à Piero [della Francesca]… il m’a révélé la composition dans une surface ».
1909
Début de sa participation à des manifestations artistique collectives avec l’envoi de la toile Fantasmi notturni à l’Exposition internationale de Venise.
1910
La Bucca delle monache, paysage peint en 1909, est exposé à la Biennale de Venise ; ce tableau fait l’objet de sa première vente. Neve (Neige), 1910, premier tableau important de sa carrière, est un paysage « inventé » (selon l’expression du peintre). Cette vision imaginaire d’un hameau perdu dans l’obscurité bleue de la campagne enneigée, loin de tout souvenir réaliste, représente le premier jalon de sa recherche d’un espace purement pictural.
1911-1912
Fréquentation, à partir de cette date,de l’avant-garde artistique italienne ; il se lie d’amitié avec les futuristes. Le tableau titré Il mappamondo e Lacerba (1914) conserve le souvenir de la revue Lacerba fondée le 1er janvier 1913 par Papini et Soffici, à Florence.
1913-1914
Première période de la figuration inventée : les tableaux de personnages, les paysages et les natures mortes sont composés de larges surfaces aux tons purs et éclatants, animées par d’amples hachures ; celles-ci seront ensuite abandonnées pour des à-plats qui resteront une des caractéristiques de toute son œuvre, comme le cerne, noir ou de couleur, qui les enserre.
1914
En mars, il entreprend un voyage à Paris en compagnie du poète futuriste Aldo Palazzeschi ; découverte de l’avant-garde artistique : il se lie d’amitié avec Apollinaire et Picasso, Léger, Max Jacob, visite l’atelier de Matisse. Il poursuit l’acquisition d’œuvres d’art pour la collection de son oncle et, en particulier, de trois des sculptures envoyées par Archipenko au Salon des Indépendants : Carrousel Pierrot, 1913, Medrano II, 1913 et Boxe (ou Boxeurs), 1914. De cette dernière, Mady Ménier écrit : « Dans ses Boxeurs (plâtre,c oll. Magnelli, 1914), il amplifie de façon spectaculaire l’usage, tôt initié par les cubistes, du vide actif » [1]. On peut avancer que Magnelli a probablement été sensible au traitement de ce « vide actif », lui qui sera toujours attaché, dans sa propre œuvre, au bel équilibre à faire vivre entre les vides et les pleins.
À l’incitation d’Apollinaire, il envisage de s’installer à Paris après l’été, mais la déclaration de guerre l’empêchera de réaliser ce projet.
1914-1915
Passage à l’abstraction durant l’hiver 1914-1915 : les tableaux aux « formes imaginées » sont composés de plans de couleurs vives, posées en à-plats, mais aussi parfois rompues par de discrètes modulations. Magnelli les nomme « les tableaux inventés » et décrit le travail de synthèse qui l’amène à leur création : « […] arrivé à un certain point,je pris la résolution de ne plus sortir de quelque chose qui puisse encore ressembler à quelque chose et d’entreprendre une peinture complètement “inventée”.[…] sans référence à l’habitude, aux choses ou aux personnes qui nous entourent : inventer en peinture comme on a inventé en musique, en architecture. » (Entretien avec Luigi Ferrarino publié en français dans le catalogue de l’exposition Magnelli au Musée National d’Art Moderne à Paris, 28 février-21 avril 1968).
1916-1917
Nouvelle figuration : réintroduction d’éléments figuratifs. Des personnages féminins, parfois accompagnés de végétation, sont situés dans un cadre de plans verticaux délimitant l’espace très réduit d’une architecture urbaine. Magnelli y fait allusion dans des propos que rapporte André Verdet : « Des personnages, des femmes s’imbriquent dans les constructions des villes. Les plans architecturaux de fond ont autant d’importance que les personnages » (in Magnelli, Le Musée de Poche, Paris, Georges Fall, 1961). Lors d’un entretien avec Georges Boudaille, il évoque cette nouvelle expérience en la situant dans le cours de ses recherches : « […] après les “tableaux inventés” (le mot abstrait était inconnu), j’ai commencé à y mettre comme des figures, des personnages un peu métaphysiques » (in Les lettres Françaises, 3 avril 1968, p. 30).
1918-1919
L’importante série des Explosions lyriques (dont les sujets sont principalement des femmes dans un intérieur et des baigneuses) est marquée par l’abandon des teintes posées en à-plats au profit de surfaces colorées divisées, par l’apparition d’un graphisme fragmenté, et renoue avec l’emploi des couleurs vives et pures des débuts. L’un des deux seuls tableaux à porter un titre qui le caractérise est Explosion no 8, Il fantino (le jockey), petit tableau (100 cm x 75 cm, coll. MNAM, Paris) dont la dynamique naît et s’organise à partir et autour de la cravache rouge que tient le jockey et qui partage la surface du tableau en deux sections, selon sa diagonale, cette ligne à partir de laquelle se développent,croissent et s’épanouissent les formes en ellipses qui construisent la composition picturale.
1919-1922
Nombreux voyages en Europe ; séjour à Berlin en 1922.
1920-1931
L’ordre classique. Les années vingt, images de la réalité : réalité observée, réalité interprétée.C’est la période prolifique du « réalisme imaginaire » qui compte plus de deux cents tableaux et de nombreux dessins : personnages, paysages, bateaux, quelques natures mortes. Si la marge d’« invention » semble alors réduite dans les sujets de ces œuvres, la nouveauté est ailleurs, dans la recherche chromatique. Les teintes sont peu nombreuses, utilisées dans l’éventail de leurs différents tons. Il s’agit souvent de terres — terre de Sienne, terre d’ombre, terres vertes, d’ocres jaunes — de bleus, de roses.
« La couleur s’amortit progressivement jusqu’à s’éteindre […] dans un camaïeu d’ocres pâles, sur lequel s’enlève vigoureusement un graphisme violacé ou vert sombre. Ce renoncement momentané à l’éclat de la couleur, cet apparent abandon de la recherche de l’unité ligne/plan prépare en réalité une mutation radicale de la structure chromatique du tableau. » (Maurice Besset). [2]
1921
En mai s’ouvre à Florence, galerie Materazzi, sa première exposition particulière, titrée « Composizioni paesi e disegni (1920) » (25 tableaux, 10 dessins).
1924-1928
Si, dans la deuxième moitié des années vingt, le cadre (paysages ou intérieurs dans lesquels sont situés les personnages) est généralement assez peu détaillé, il paraît être allusion à la réalité et, souvent, figurer des lieux plus fictifs que réels. En revanche, les personnages représentés sont souvent, eux, des modèles d’atelier. Mais c’est une amie anglaise du peintre qui a posé pour les deux tableaux titrés Eve assise et Eve à l’ombrelle, (respectivement 164 cm x 85 cm et 125 cm x 71,5 cm, entre 1924 et 1928). Invention et réalité sont alors étroitement associées.
1925
Été : séjour parisien durant lequel il retrouve Picasso.
1928
Piano di Rosia (un paysage de 1927) est exposé à la « Prima mostra regionale d’arte toscana » à Florence ; le tableau est acheté pour la Galleria d’arte moderna du Palazzo Pitti où il est, depuis, accroché dans les collections permanentes (salle Magnelli).
Participation à des expositions collectives internationales, notamment aux Biennales de Venise de 1928, 1930 et 1932.
1929
En mars, à Milan cette fois, se tient à la galerie Pesaro une deuxième exposition particulière titrée Mostra personale del pittore Alberto Magnelli, dédiée à 43 tableaux exécutés entre 1924 et 1929 et 32 dessins ; le texte du catalogue est d’Enrico Somarè.
1930-1931
Avec deux des peintures de bateaux (souvenirs de vacances passées à Forte dei Marmi) et les deux derniers tableaux de personnages, tous quatre datés de 1931, se clôt la seconde figuration. Cependant, des œuvres figuratives sont encore présentées dans de grandes manifestations jusqu’en 1933.
1931-1934
Les Pierres : « […] à Carrare […], me promenant parmi les blocs de marbre, il m’est venu l’idée que je pouvais exploiter la vision que j’avais, non pas en la copiant mais en la réinventant avec les yeux de l’esprit. J’ai fait ainsi à Florence une première série de tableaux sur ce thème [3]. Mais comme, en 31, j’ai décidé d’abandonner ma ville pour aller retrouver mes amis français qui m’avaient écrit de venir et qui m’attendaient, c’est à Paris que j’ai continué de faire une seconde série, importante, de tableaux sur ce même thème. On appelle les tableaux de cette époque “la période des pierres”. Tout cela a continué jusqu’en 34. » [4]
1931
Ayant débuté à Florence avec l’exécution de deux premières toiles, la série nombreuse des Pierres se poursuivra à Paris jusqu’au début de 1935 (de nombreux dessins, dont certains exécutés dans de grands carnets, précèdent l’exécution des toiles).
L’installation de Magnelli à Paris, dont il avait fait le projet en 1914, est effective en automne (selon le peintre lui-même) [5].
1933
Rencontre de Kandinsky, arrivé à Paris après la fermeture du Bauhaus et naissance de l’amitié fidèle qui liera les deux peintres.
1934
Au printemps, Magnelli fait la connaissance de Susi Gerson, venue de Berlin en 1933, et qui deviendra son épouse quelques années plus tard.
À la galerie Pierre (Pierre Loeb) s’ouvre, le 1er juin, sa première exposition particulière à Paris, où sont présentées des œuvres récentes de la série des Pierres.
Un grand carnet rassemble des dessins à l’encre ayant pour thème des oliviers (troncs, branches, sans frondaison) exécutés à Forte dei Marmi, entre le 19 septembre et le 2 octobre ; trois d’entre eux seront transposés dans un tableau de 1935 et un collage de 1938.
1934-1936
Second passage à l’abstraction à laquelle il restera, dès lors, fidèle. Un bref épisode « surréalisant » est concrétisé, vers 1935-1936, dans une série de huit tableaux.
Différentes périodes constituent, jusqu’en 1970, son expression picturale : une peinture construite.
1937
Magnelli participe désormais à l’activité artistique de l’avant-garde internationale avec des envois à de nombreuses expositions, telle que celle qui est organisée par le Musée du Jeu de Paume, Origines et développement de l’art international indépendant (30 juillet-31 octobre) avec deux œuvres de 1915 et 1937, ou que cette autre, tenue en 1938 au Stedelijk Museum d’Amsterdam entre le 2 et le 24 avril 1938, et à laquelle il envoie Peinture no0521 de 1915.
1939-1944
Sous l’occupation, Magnelli et Susi Gerson sont installés à « La Ferrage », ancienne magnanerie et bien de famille de Susi, au Plan-de-Grasse ; des amis les retrouvent, qui séjournent dans la région : Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp, Sonia Delaunay, Nelly van Doesburg.
1940
Mariage avec Susi Gerson, à Grasse, le 31 octobre ; Jean Arp est l’un des témoins.
1944
Retour clandestin à Paris.
1946
Participation au « Ier Salon des Réalités Nouvelles », au Palais des Beaux-Arts de la Ville de Paris (19 juillet-18 août).
1947
Après la disparition de Kandinsky en 1944, Magnelli fait désormais figure de chef de file de la peinture abstraite.
Première exposition à caractère rétrospectif de l’œuvre à Paris, galerie René Drouin (œuvres de 1914 à 1947).
1950
La Biennale de Venise consacre une salle à la présentation de dix - huit œuvres de 1914 à 1948.
1954
Rétrospective au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et Prix de la Critique. L’exposition est reprise l’année suivante.
1955
Au Stedelijk van Abbe Museum d’Eindhoven (20 janvier-22 février).
Premier Grand Prix de peinture étrangère à la biennale de São Paulo.
1958
Prix Guggenheim pour l’Italie : le tableau Conversation à deux no1 (1956) est exposé au Solomon R. Guggenheim Museum de New York puis acheté par la Galleria Nazionale d’arte moderna de Rome.
1959
Installation dans la maison de Meudon-Bellevue.
1963
Le Kunsthaus de Zurich puis le Palazzo Strozzi de Florence organisent une rétrospective importante à l’occasion de son soixante-quinzième anniversaire.
1968
De nombreuses expositions célèbrent ses quatre-vingts ans : en janvier-février, le Kunstforeningen de Copenhague présente une partie de la rétrospective préparée par le Musée national d’art moderne de Paris où elle se tient ensuite de février à avril puis,
1969
le Musée de l’Ancienne douane, à Strasbourg, reprend une partie de l’exposition parisienne.
1971
Magnelli meurt dans la soirée du 20 avril à Meudon. Selon son vœu, sa tombe porte l’inscription : « Alberto Magnelli 1888-1971 pittore fiorentino ».
En hommage à l’artiste
1973
Ouverture de la Salle Magnelli à la Galleria d’arte moderna du Palazzo Pitti à Florence : les quinze œuvres de sa donation à sa ville natale y sont exposées avec le paysage acquis en 1928, Il Piano di Rosia, 1927, 62 cm x 72 cm.
Le Musée Magnelli, Musée de la Céramique, à Vallauris, accueille la donation du peintre à l’État français. Elle sera augmentée des dons de Susi Magnelli et de ceux du graveur Hidalgo Arnera.
1977
Le legs de l’artiste au Musée National d’Art Moderne, accepté par le Conseil artistique de la Réunion des Musées Nationaux en juillet 1972, est installé au Centre Georges Pompidou (six œuvres : quatre tableaux et deux collages).
1980
L’ensemble de l’œuvre gravé est offert par Susi Magnelli à la Bibliothèque nationale à Paris qui en organise l’exposition et en publie le catalogue sous le titre Magnelli l’œuvre gravé.
1988
Expositions pour la commémoration du centenaire de la naissance du peintre : Musée d’art moderne, Saint-Étienne (dessins) ; galerie Sapone, Nice (dessins) ; Palais des papes, Avignon ; FIAC, galerie Lelong, Paris (hommage) ; "Magnelli-Jacobsen", Le Grand Huit-Maison de la Culture, Rennes (gravures) ; Palazzo Vecchio, Florence, puis…
1989
…au SAGA, à Paris, la galerie La Hune expose « L’œuvre gravé 1934-1970 » en hommage à l’artiste.
2001
Thèse de Doctorat d’État ès Lettres soutenue par Anne Lochard-Maisonnier, Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne.